Mesdames et messieurs
La question du procès équitable a toujours été une préoccupation majeure pour les magistrats, les avocats et les différents intervenants concernés par les affaires judiciaires, et ce depuis la ratification par le Royaume du Maroc de la Charte mondiale des droits civils et politiques en 1979. Cette préoccupation les pousse à fournir des efforts en vue d’élaborer des orientations susceptibles de préserver les droits des accusés et des mis en cause ; et bien que les textes nationaux ne mentionnaient pas encore la notion de « procès équitable », son usage était devenu courant dans les salles d’audience et son impact très évident dans les décisions des magistrats. Puis vint l’actuel Code de procédure pénale, promulgué en date du 03 octobre 2002, qui prévoit expressément le terme « procès équitable » et le place au sommet des garanties légales et des procédures juridiques garantissant les droits et les libertés dont abonde ce Code. En effet, le premier article du C.P.P indique que le « procès équitable » est le cadre général qui organise les procédures pénales et est inhérent à l’ensemble de leurs applications.
Le préambule du Code de procédure pénale précise dans ce même sens que : « Le souci de garantir des procès équitables conformément aux modalités connues, et le souci du respect des individus, de la préservation de leurs libertés d’un côté et de la protection de l’intérêt public et de l’ordre public, de l’autre, ont constitué un point crucial dans la révision de la version du Code de procédure pénale promulguée en 1959 ».
Le préambule ajoute par ailleurs que le nouveau texte (le CPP du 03 octobre 2002) s’est chargé de mettre en exergue les dispositions fondamentales du domaine des droits de l’Homme, et d’assurer les conditions d’un procès équitable, étant un principe immuable du système de justice pénale moderne ».
En réalité, la notion de procès équitable n’est plus seulement une question juridique mais a été constitutionnalisée en vertu de l’article 23 de la Constitution de 2011 qui prévoit expressément que « la présomption d’innocence et le droit à un procès équitable sont garantis » et énumère les conditions les plus importantes du procès équitable, telles que prévues par l’article 14 du Pacte international des droits civils et politiques.
Si la Constitution a pris soin d’instaurer le principe du procès équitable et d’en préserver les caractéristiques internationalement reconnues et dont la loi, notamment le Code de procédure pénale, a détaillé les conditions avec minutie, à l’instar des législations comparées modernes des Etats les plus démocratiques ; le travail judiciaire marocain a pour sa part toujours veillé à assurer ces conditions et à fournir les circonstances adéquates pour appliquer les dispositions légales régissant le procès équitable.
Nous constatons d’ailleurs aujourd’hui, grâce à cette occasion distinguée, les fruits du travail judiciaire qui se manifestent par la quantité importante de décisions rendues par la Cour de cassation au cours des années passées, lesquelles renferment des applications du procès équitable telles qu’internationalement reconnues.
Les décisions contenues dans le premier des deux tomes publiés, qui vous seront remis ultérieurement par monsieur le Délégué ministériel des droits de l’Homme, sont une preuve tangible que le « procès équitable » existe effectivement au Maroc et s’applique au quotidien au sein des tribunaux du Royaume, avec le concours des acteurs judiciaires, à tous les degrés de juridiction, des avocats et des officiers de la police judiciaire, puisque ce principe bénéficie de l’appui des différents pouvoirs de l’Etat et de ses institutions. Sa Majesté le Roi Mohammed VI avait fait allusion à ce point dans son message royal adressé aux participants à la Conférence internationale sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, tenue à Marrakech en date du 2 avril 2018, en mentionnant que le texte constitutionnel « consacre les droits des justiciables et les règles de bon fonctionnement de la justice. Il assigne au juge la responsabilité de protéger les droits et les libertés des personnes et des groupes et de veiller à leur sécurité juridique. Outre l’accès garanti à la justice, il protège la présomption d’innocence et confirme le droit à un procès équitable et à un jugement rendu dans un délai raisonnable. »
Sa Majesté le Roi a par la suite appuyé cette orientation dans son message royal à l’occasion de la commémoration du 70ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en affirmant que : « Notre engagement national pour les droits de l’Homme est non seulement gravé dans notre Constitution, mais également un déterminant de Nos choix politiques, économiques et sociaux. »
Mesdames et messieurs ;
La vision claire et éclairée de Sa Majesté le Roi de ce que devrait être la magistrature en sa qualité de fondement de l’Etat de droit et de garant des droits et libertés, fait de l’engagement des magistrats envers les normes du procès équitable une réalisation de ce choix constitutionnel, qui transparait à travers les décisions des différentes juridictions et la jurisprudence de la Cour de cassation, y compris ceux compilés dans le précieux recueil dont la Délégation ministérielle chargée des droits de l’Homme a supervisé l’élaboration. La consultation de ce recueil permet de percevoir l’ampleur de l’héritage judiciaire qui véhicule des valeurs avancées de droits de l’Homme, reflétant la conscience des magistrats du Royaume quant à l’importance du procès équitable, leur assimilation de ses conditions, ses normes et ses principes et leur résolution à l’appliquer sur le terrain.
Il nous suffit à cet égard de rappeler le contenu de l’Arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 27 octobre 2021 (dossier pénal n°4461-6-3-2021) selon lequel : « Les principes du procès équitable et le respect des droits de la défense, qui en sont l’un des principaux éléments, n’est pas subordonné à la comparution ou non du prévenu, pour quelque raison que ce soit, ni même à sa requête que les débats soient conduits en son absence. Par conséquent, empêcher l’avocat du prévenu de plaider et de porter assistance judiciaire à son client dans les affaires délictuelles, même en l’absence de ce dernier, constitue, lors même qu’aucun texte exprès ne le dispose, une violation des droits de la défense et du droit au procès équitable qui figure parmi les droits de l’Homme, et engendre un déséquilibre entre les parties ».
Cet arrêt et la centaine d’arrêts qui sont allés dans ce sens, constituent une preuve irréfutable du fait que l’engagement de la justice marocaine envers le respect des conditions d’un procès équitable n’est pas que boniment, ou une sorte de propos cérémoniaux démesurés, mais est en effet la consécration pratique d’une orientation constitutionnelle et la concrétisation réelle des textes de loi, qui font de la notion de procès équitable soit une vive conviction dans la conscience des magistrats du Royaume dont ils se sont imprégnés au cours de leurs études en droit et à travers les fondements en droits de l’Homme qui leur ont été inculqués ainsi que la formation qu’ils ont suivi à l’Institut supérieur de la magistrature, sans oublier les différentes occasions et opportunités que ces magistrats ont eu pour actualiser leurs savoirs et aiguiser leur connaissances, dans le cadre de sessions de formation continue autour des différentes thématiques des droits de l’Homme, dont les manifestations d’un procès équitable.
Figure parmi les sessions de formation susmentionnées, celle en cours d’implémentation depuis deux années par le Président du Ministère public dont a bénéficié jusqu’à présent environ mille magistrats et dont l’encadrement a connu la participation d’experts étrangers, de professeurs universitaires et de magistrats renommés pour leurs compétences en matière de droits de l’Homme et pour leur maitrise de cette matière. Les travaux de la première phase de cette cession de formation ont d’ailleurs été compilés dans un ouvrage qui a par la suite été distribué aux tribunaux et à la promotion d’attachés de justice récemment diplômés.
Mesdames et messieurs ;
L’occasion me porte à reconnaitre les efforts fournis et à remercier, en mon nom et en celui du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et de l’ensemble des magistrats du Royaume, le Délégué interministériel aux droits de l’Homme M. Ahmed Chaouki Benyoub, qui est à l’origine de l’initiative de la réalisation des deux ouvrages dont le contenu fera l’objet de discussions au cours des deux jours sur lesquels s’étendra la présente conférence. Il faut dire que toutes les expressions de gratitude ne suffiraient pas à le remercier pour l’immensité des efforts qu’il a fourni dans un souci de diffusion des droits de l’Homme et de propagation de la culture du respect des normes du procès équitable. Bien entendu, ces remerciements s’étendent aussi vers le personnel hautement qualifié et les cadres ayant travaillé sur lesdits ouvrages, sans oublier les magistrats ayant rendu les décisions qui y figurent et à toute personne ayant contribué, de près ou de loin, à la réalisation de ces précieux ouvrages, notamment la magistrate Mme Samira Anane qui a finalisé le premier ouvrage contenant des décisions judiciaires, et le bâtonnier, M. Abderrahim El Jaami qui a réalisé le second ouvrage qui regroupe des requêtes et des mémoires de défense.
Il me faut aussi remercier les organisateurs et tous ceux ayant veillé à encadrer cette rencontre, ainsi que les intervenants et l’audience qui nous fait l’honneur de prendre part à cette conférence dédiée à la sensibilisation à la culture des droits de l’Homme et au renforcement de l’intérêt porté au procès équitable, et dont je souhaite que les travaux soient couronnés de succès.
Wa assalamou alaykoum wa rahmatou Allah.
Section16, Hay Riyad, CP 1789, Rabat
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