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jeudi 23 juin 2022
Discours inaugural du Président délégué à l’occasion de la rencontre de communication avec les Conseillers en déontologie du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, tenue le jeudi 23 juin 2022.

le Procureur général du Roi, Président du Ministère public ;

Mesdames et messieurs les membres du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire ;

Mesdames et messieurs les premiers/premières président(e)s et les procureurs généraux du Roi près les différentes Cours d’appel ;

Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire est ravi de vous souhaiter la bienvenue à cette première rencontre de communication avec vous, les Conseillers en déontologie. Vous savez certainement l’intérêt clair et certain que porte le CSPJ pour la déontologie judiciaire qui fait partie des axes centrales de son Plan stratégique, basé sur la restructuration du système déontologique judiciaire, à travers une approche de sensibilisation, d’encadrement puis enfin de coercition.

L’intérêt du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire pour le sujet de la déontologie judiciaire découle de l’essence de la profession de magistrature qui s’appuie sur des bases déontologiques strictes et cela se reflète dans la place qu’occupe la déontologie dans les textes juridiques et constitutionnels régissant la profession de la magistrature.

Les principes et valeurs fondamentales de la magistrature sont tous des principes moraux tels que l’indépendance, l’impartialité, la probité, l’intégrité et l’application juste de la loi. L’ensemble de ces principes sont prévus par la Constitution et les deux lois organiques relatives au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire et au Statut des magistrats.

Par ailleurs, la Loi organique relative au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (loi n°100.13) a chargé ce dernier d’élaborer un Code de déontologie qui « contient les valeurs, les principes et les règles que les magistrats se doivent d’observer dans l’exercice de leurs fonctions et de leurs responsabilités judiciaires » et ce en vue d’atteindre les objectives fixés par l’article 106 de ladite loi.

Le Statut des magistrats insiste pour sa part sur le respect de l’honneur de la magistrature et sur la préservation de son intégrité, en prenant en considération les us et coutumes judiciaires.

Il ressort donc de cela que la profession de la magistrature se fonde principalement et prioritairement sur les règles de déontologie, ce qui nous oblige à toujours nous focaliser sur l’éthique professionnelle et nous appelle à la divulguer, la généraliser, sensibiliser à son importance et encadrer à ce propos les personnes qui en sont tenues, afin de raviver l’impératif déontologique et d’éveiller les consciences pour qu’elles fassent figure de gardiennes et de garantes de l’application des règles déontologiques, en amont de toutes autres méthodes de répression et de contrôle.

A cet effet, le CSPJ qui a constitué, d’entre ses membres, une commission de déontologie visant à mettre en œuvre le rôle de sensibilisation du Conseil et à prendre l’initiative d’encadrer les magistrats en vue de leur permettre d’acquérir les principes et valeurs déontologiques, tels que prévus par le Code de déontologie judiciaire et les lois organiques et tel qu’établi par les coutumes judiciaires.

La rencontre d’aujourd’hui nous offre l’opportunité d’échanger nos points de vues et de concevoir des idées au sujet des dispositions du Code, considérant que vous êtes chargés, selon l’article 33 dudit Code, des missions de Conseillers en déontologie au niveau des circonscriptions des Cours d’appel, contribuant aux côtés d’autres organes du Conseil, notamment la Commission de déontologie et de l’indépendance des magistrats et l’Inspection générale des affaires judiciaires, à la mise en œuvre des chantiers stratégiques que le Conseil supervise ainsi qu’à l’application des obligations judiciaires relatives à la déontologie et aux us et coutumes professionnelles prévues en vertu des lois organiques.

Mesdames et messieurs ;

Comme vous le savez, le pouvoir judiciaire dispose à présent de son propre Code de déontologie judiciaire, publié au bulletin officiel en date du 08 mars 2021, ayant pour objectif de préserver, d’une part, l’indépendance des magistrats, leur impartialité et leur probité, et de l’autre, de sauvegarder le charisme de la justice, de se conformer à ses coutumes et ses nobles éthiques, de s’engager à bien appliquer les règles de fonctionnement de la justice et enfin, de protéger les droits des justiciables et de les traiter convenablement ainsi que de garantir la continuité des services de la justice et de leur bon déroulement.

Et si l’objectif du Code de déontologie est de protéger le pouvoir judiciaire de tout écueil, de renforcer la confiance du citoyen en ce pouvoir et de préserver les acquis et créer un cumul dans le schéma des comportements et coutumes de la magistrature et leur généralisation ; introduire les personnes concernées par les dispositions du Code et les familiariser avec ses règles, pourrait prévenir ou du moins diminuer le recours à la répression légale qui repose sur des sanctions juridiques, à travers l’éveil de la conscience et du bon sens moral chez l’être humain.

La réalité est que même si le système de déontologie judiciaire a besoin d’instruments et d’instances pour l’encadrer, notamment les textes de loi, le Code de déontologie, les us et coutumes judiciaire, la commission de déontologie et d’indépendance des magistrats et les Conseillers en déontologie, en plus du rôle que peuvent jouer les associations professionnelles dans la divulgation des principes déontologiques et la sensibilisation à leur importance, et qu’il a en coutre besoin d’individus pour veiller à ce qu’il soit respecté ; la conscience du juge demeure le gardien de cette déontologie. D’ailleurs, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a affirmé cela dans son discours commémorant la 14ème fête du trône (2013) en déclarant par ses Hautes paroles que : « Depuis que Nous est échue la mission d'assumer la direction de la nation, Nous avons à cœur de réaliser la réforme de la justice, sa moralisation et sa modernisation, ainsi que le renforcement de son indépendance ». Sa Majesté a poursuivi en affirmant que :« Mais quelle que soit l'importance de cette réforme, des textes réglementaires et des mécanismes efficients qui ont été mobilisés à cet effet, il n'en reste pas moins que c'est la conscience responsable des parties prenantes qui sera le véritable test pour évaluer cette réforme, voire la clef du succès de ce secteur tout entier. »

Mesdames et messieurs les Conseillers en déontologie ;

Le fait que vous soient confiées les tâches de Conseillers en déontologie, met à votre charge des obligations certaines, prévues par l’article 34 du Code de déontologie, notamment :

  • Diffuser les dispositions du Code de déontologie judiciaire et les faire connaître aux magistrats de votre circonscription judiciaire et les inciter à y adhérer ;
  • Prêter assistance et conseil aux magistrats qui éprouvent des difficultés, ou font face à des ambiguïtés dans la manière d’appliquer et d’interpréter les dispositions du Code de déontologie ;
  • Préserver la confidentialité des échanges avec les magistrats qui sollicitent des conseils déontologiques ;

Vous êtes par ailleurs tenus de :

  • Soumettre à la Commission des propositions et des recommandations pour une bonne application des dispositions du Code et proposer les mesures sine qua non pour ce faire et pour organiser des sessions de formation et de sensibilisation ;
  • Informer la Commission des violations déontologiques qui se produisent au sein des circonscriptions des juridictions que vous supervisez ;
  • Ainsi que de soumettre à la Commission un rapport annuel sur le bilan de votre activité, et c’est ce que nous attendons de vous pour la fin du mois de décembre prochain.

Mesdames et messieurs ;

Le CSPJ aspire à une divulgation et à une généralisation effective de la déontologie judiciaire, et une sensibilisation à leur égard, et aspire aussi à contribuer à l’encadrement des magistrats concernés par ses dispositions, en tant que canal privilégié par rapport aux procédures disciplinaires.

Bien entendu, la participation des magistrats eux-mêmes à la moralisation dépasse la participation de toute autre partie, considérant la nature de leur profession qui est la profession de la déontologie par excellence, et aussi parce que la formation des magistrats et le milieu professionnel dans lequel ils exercent, privilégient l’éthique au reste des valeurs. Pour cette raison, le comportement du juge est limité par l’impératif déontologique avant le juridique et la probité du juge est essentielle à la primauté du droit et est par ailleurs étroitement liée avec la notion d’indépendance de la Justice puisque l’indépendance exige la probité et la probité renforce l’indépendance.

En outre, tous les magistrats se partagent la responsabilité de lutter contre la corruption et toutes les pratiques portant atteinte à la déontologie judiciaire et aux principes de la justice ; cela dit, les Conseillers en déontologie sont responsables de la garantie de l’indépendance de la justice et de la protection et de la probité des tribunaux et doivent se comporter en tout temps comme la conscience tutrice et gardienne de ces valeurs et principes, ainsi que de doter les juges de l’orientation adéquate sur la manière d’agir face aux problématiques déontologiques, en plus de les aider, de les conseiller et de les encourager à se dépasser pour être à même de relever les défis auxquels ils feront face en étant au service de la justice et des justiciables, et doivent s’assimiler aux parents qui conseillent leurs enfants et les guident sur les voies de la vertu avec sagesse, respect et calme. Cela dit, les parents peuvent parfois être amenés à prendre des mesures punitives ou privatives à l’encontre de leurs enfants pour parfaire leur éducation et c’est là le rôle disciplinaire par lequel contribuent les responsables judiciaires qui constitue en outre pour eux un devoir et un engagement légal et éthique.

Ce qui fait l’importance de votre mission de Conseillers en déontologie judiciaire et votre rôle stratégique, profond qui ne se limite pas seulement dans la grandeur de la responsabilité qui vous incombe d’encadrer les magistrats et d’assurer leur suivi dans l’imprégnation et l’attachement aux nobles valeurs judiciaires, mais réside également dans ce qui est attendu de vous, quant au rôle que vous jouez dans le changement de certaines fausses conceptions qu’a la société sur la justice et cela est subordonné à l’instauration d’une prise de conscience judiciaire collective, fondée sur la conscience professionnelle responsable, et que le responsable en déontologie s’acquitte de son rôle en donnant l’exemple et en appliquant les valeurs judiciaires les plus nobles dans son comportement professionnel et personnel, tels que la probité, l’intégrité, la bienveillance et l’indulgence dans la parole, ainsi que la politesse dans la présentation de conseils et d’avis déontologique, afin que les juges se confient à lui à propos de tout ce qui les préoccupent sur le plan professionnel ou personnel au lieu de le dissimuler jusqu’à ce qu’il prenne de l’ampleur et constitue un danger pour lui et pour la dignité de sa profession.

D’autre part, la proximité avec le juge et la prise de connaissance de sa vie professionnelle et sociale, ses conditions de vie et les problèmes qu’il rencontre, dans le cadre de ce qui est permis par la loi et les us et les coutumes de la profession, est vivement recommandé pour pouvoir pressentir les dangers qui planent autour de lui avant qu’ils ne se concrétisent. N’oubliez donc pas que vous êtes tenus de leur signifier une attention presque paternelle qui doit être exercée avec délicatesse pour aboutir à un résultat.

Il n’y a nul doute qu’il s’agit d’un chantier pénible, complexe et long dans lequel s’entremêlent le côté professionnel et humain, mais grâce à la volonté et à la détermination qui animent le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire d’un côté, et les responsables judiciaires et les magistrats et associations professionnelles de l’autre, nous œuvrerons à poursuivre sur ce chantier, tous ensemble, avec constance et résignation pour que se réalisent ses objectifs et que se réalisent in fine les attentes de Sa Majesté le Roi s’agissant de la moralisation de la Justice, et que soit garantie la dignité des magistrats et la confiance de la société en la Justice.

Bon courage à tous ;

Wa assalamou alaykoum wa rahmatou Allah.

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